Dès que l’on prononce le mot “rotation” au potager, les oreilles s’ouvrent et les fronts se plissent. C’est un sujet épineux qui fait suer de nombreux jardiniers amateurs. Il faut reconnaître que c’est un vrai casse-tête chinois, et à la lecture de certains livres, on en viendrait presque à couper les haricots en quatre !
Dans ce qui suit, vous allez découvrir pourquoi cette pratique devient totalement inutile quand on fait un potager dit “naturel”, c’est-à-dire qui respecte la vie du sol.
La rotation des cultures, qu’est-ce que c’est ?
C’est une planification des cultures qui veille à ne pas cultiver plusieurs fois de suite un même légume au même endroit du potager.
Pourquoi a-t-on inventé la rotation des cultures ? Parce que les agriculteurs ont remarqué qu’il se produisait un appauvrissement du sol et une augmentation des maladies et des ravageurs, quand ils faisaient pousser plusieurs années à la suite les mêmes céréales dans le même champ.
L’idée leur est donc venue d’alterner chaque année les cultures faites à un endroit donné avec des cultures complètement différentes. Plusieurs méthodes de rotation sont utilisées : rotation par type de légume sur 4 ans, par famille botanique sur 5 ans, par besoin en fertilité des légumes sur 3 ans.
Or si vous prenez n’importe quel potager, il n’est pas rare d’y voir pousser au moins une quinzaine de légumes différents et souvent plus. Essayons de faire l’exercice avec chaque type de rotation :
Rotation par type de légume sur 4 parcelles
La parcelle n° 1 reçoit les légumes-racines (betteraves, carottes, navets, radis…)
La parcelle n° 2 reçoit les légumes-fruits (aubergines, concombres, courgettes, tomates…)
La parcelle n° 3 reçoit les légumes-feuilles (choux, épinards, poireaux, salades…) et les légumes-grains ou légumineuses (haricots, pois…).
La parcelle n° 4 reçoit les pommes de terre.
Et l’année d’après, on fait tourner : les légumes racines seront cultivés sur la parcelle n° 2, les légumes-fruits sur la n° 3, les légumes-feuilles sur la n° 4 et les pommes de terre sur la n° 1.
Rotation par famille botanique sur 5 parcelles
La parcelle n° 1 accueille les Liliacées (ail, oignon, échalote, poireau…)
La parcelle n°2 accueille les Solanacées (tomate, pommes de terre, aubergine…)
La parcelle n° 3 accueille les Fabacées (pois, haricot…)
La parcelle n° 4 accueille les Brassicacées (chou, radis, navet…)
La parcelle n° 5 accueille les Cucurbitacées (courgettes, concombres, potirons…).
Nous en sommes déjà à 5 familles et je ne vous ai pas mis les Apiacées (carottes, persil) ni les Composées (laitues) !!!
Rotation par besoin en fertilité du sol sur 3 parcelles
La parcelle n° 1 contient les légumes voraces (tomates, courges, épinards, choux…)
La parcelle n° 2 contient les bons-mangeurs (carottes, céleris, salades…)
La parcelle n° 3 contient les sobres (pois, haricots, oignons…).
Avec cette méthode, la fertilisation du sol est faite uniquement en tête de rotation, sur la parcelle qui va contenir les légumes voraces. Puis on fait tourner les cultures.
Prenons un exemple : Vous avez cultivé des betteraves cette année. La betterave est un légume-racine ayant de gros besoins nutritifs, donc il a puisé beaucoup de nutriments dans le sol.
Certains disent donc de lui faire succéder un légume frugal, la carotte est un bon candidat car elle se contente d’une terre sans fertilisation récente. Mais d’autres personnes vont vous dire qu’il ne faut pas cultiver deux légumes-racines à la suite ! Et d’autres encore affirment qu’il faut simplement éviter que deux légumes de la même famille se suivent !
Donc je pose la question : est-il acceptable d’enchaîner deux légumes-racines du moment qu’ils ne sont pas de la même famille ???
Des livres entiers ont été écrits sur la “bonne” manière de gérer les rotations des cultures, mais chaque auteur a sa propre version. Pour moi, quand les experts eux-mêmes ne sont pas capables de s’entendre sur un sujet, c’est le signe que quelque chose ne va pas.
Comme vous pouvez le voir à travers ces exemples, cela demanderait une organisation extraordinaire pour réussir à appliquer ces principes de rotation, surtout quand on aime faire pousser une grande diversité de légumes et que l’on ne dispose que d’une surface réduite pour le potager.
Pour qui la rotation des cultures est-elle utile ?
Elle est indispensable dans un seul cas : pour les professionnels qui pratiquent la monoculture, comme un champ de blé pour un agriculteur, ou une vaste surface remplie de laitues pour un maraîcher. D’autant plus si les méthodes de l’agriculture intensive (même bio) sont utilisées (labour, engrais, pesticides autorisés). Dans ce cas, il est obligatoire de suivre un plan d’assolement pour la rotation des cultures, sinon elles seraient vite infestées de parasites et le sol deviendrait carencé.
Dans nos potagers, il n’y a pas de monocultures. Tout au plus quelques rangs d’un même légume qui ont été semés côte à côte. Et avec la manière d’associer les légumes que je vais vous montrer dans ce guide, il sera facile de l’éviter.
Alors dans un potager, si on ne pratique pas les rotations telles qu’elles ont été formalisées plus haut, que va-t-il se passer ?
Le sol va-t-il s’appauvrir et des carences vont-elles apparaître ?
Déjà, il faut savoir qu’un sol de potager ne s’épuise pas d’un seul coup d’une année sur l’autre ! Heureusement et cela permet beaucoup de souplesse dans la répartition des légumes.
Et le fait d’apporter régulièrement de la matière organique va éviter l’apparition de la plupart des problèmes de carences. Et cela va aussi diminuer l’apparition de maladies et de parasites, car ces deux problèmes apparaissent surtout sur les plantes faibles.
La matière organique pourra être apportée sous de nombreuses formes :
- Paillis sur toutes les parcelles et sur les allées, pas seulement durant l’été mais pendant toute l’année. La décomposition progressive du paillis va nourrir la terre.
- Compostage en surface : il s’agit de laisser sur place les fanes de légumes lorsqu’on les récoltes. On peut aussi ramener et étaler les épluchures de cuisine sur le paillis.
- Apport de compost bien décomposé : bien toléré par tous les légumes.
- Apport de compost demi-mûr (c’est-à-dire à moitié décomposé) : convient pour les courges et les tomates.
- Culture de couverts végétaux (engrais verts) sur les parcelles inoccupées et pendant l’hiver.
Comment tenir compte des besoins nutritifs des différents légumes ?
Par exemple un pied de tomates qui produit de nombreux fruits aura besoin de beaucoup plus de nutriments qu’un oignon qui a emmagasiné des réserves dans son bulbe. La solution est encore la matière organique et le compost. Ces apports vont se décomposer en une matière stable : l’humus. Et le gros avantage de l’humus, c’est que les différents légumes vont pouvoir puiser leur nourriture dedans, chacun selon ses besoins, sans risque “d’overdose” comme ce serait le cas avec un engrais.
Les carences ne peuvent pas se produire car les réserves du sol sont perpétuellement renouvelées avec la décomposition de la matière organique par tous les micro-organismes qui vient dans la terre.
Les mêmes parasites vont-ils revenir chaque année ?
Il faut distinguer deux types de parasites : ceux qui vivent dans le sol et ceux qui se déplacent en volant.
Faire une rotation des cultures ne servira à rien pour éviter les insectes volants car vu la taille moyenne d’un potager, ils n’auront que quelques mètres à voler pour retrouver leur légume de prédilection sur la plate-bande d’à-côté !
Pour les insectes (ou leurs œufs) qui hibernent dans le sol, c’est la même chose car une fois adultes, ils se déplaceront facilement en volant. Par exemple les altises ou la mouche de la carotte.
C’est uniquement pour un très petit nombre de parasites qu’une rotation peut servir à quelque chose. En fait, je n’en vois qu’un seul : les nématodes qui sont de petits vers microscopiques attaquant les racines des tomates. Mais il est très rare d’en avoir dans les potagers amateurs (un peu moins sous une serre). Et si c’était le cas, c’est une rotation longue de 6 ou 7 ans qu’il faudrait mettre en place pour être sûr de s’en débarrasser !
Les mêmes maladies vont-elles réapparaître chaque année ?
Pareillement, cela ne va concerner que les maladies qui survivent dans le sol pendant l’hiver. Parmi les jardiniers, on entend souvent dire : “la rotation permet d’éviter l’apparition du mildiou sur les tomates”. Sauf que des études ont montré que le mildiou ne survit que dans les tissus vivants. Dans nos régions, les plants de tomates meurent en hiver et les parties infestées par le mildiou comme les tiges et les feuilles vont se dessécher, mettant fin à la maladie. Les spores du mildiou, quant à elles, sont transportées par le vent, donc elles sont présentes chaque année dans tous les jardins. Ce n’est pas une rotation qui va les empêcher d’arriver.
La seule chose qui peut se produire dans nos potagers, c’est si un bulbe de pomme de terre porteur du mildiou est oublié sous la terre pendant l’hiver. Si ce bulbe germe l’année suivante, il pourrait contaminer les plantes de la même famille que sont les tomates et les pommes de terre.
Il existe aussi des maladies pour lesquelles une rotation des cultures ne sera d’aucun secours, car le même pathogène est susceptible d’infecter des légumes de différentes familles. C’est le cas de Phytophthora capsici, un champignon qui s’attaque aussi bien aux courges qu’aux haricots et aux poivrons !
Par contre, une rotation peut s’avérer utile pour des maladies comme la hernie du chou, la pourriture grise de la carotte, la gale de la pomme de terre ou la sclérotiniose de la laitue.
Mais chaque maladie a une durée de vie différente dans le sol, et encore faut-il arriver à l’identifier correctement, ce qui est une tâche pour le moins ardue pour nous-autres jardiniers amateurs.
Ne pas changer les légumes de place pourrait même
On sait que le développement de mycorhizes (symbiose entre les racines d’une plante et des champignons microscopiques qui lui apportent des nutriments ou de l’eau) est un avantage non négligeable.
être très bénéfique
Et si un plant de tomates établissait des relations avec les mycorhizes la première année et si les plants de tomates retrouvaient les années suivantes au même endroit les mêmes mycorhizes, n’entrerait-on pas dans un cercle vertueux, qui permettrait à la culture de s’améliorer d’année en année ?
En fin de compte, que peut-on faire dans notre potager ?
Je dirais que si vous n’avez constaté aucune maladie grave, ou bien même si le mildiou s’est invité sur vos tomates, vous n’avez pas besoin de tenir compte des rotations.
Du moment que la fertilité du sol est bien entretenue grâce à des apports réguliers de matière organique ou de compost, vous pouvez tout à fait remettre les mêmes légumes au même endroit chaque année.
Cependant, rien ne vous empêche de changer quand même de place les cultures longues, celles qui occupent les lieux pendant de long mois. Ce sont généralement les légumes à grand développement comme les choux, les courges ou les tomates.
Ce serait surtout pour prévenir les maladies qui restent dans le sol, mais on a vu qu’elles étaient plutôt rares dans les potagers amateurs.
De toutes façons, si vous avez plusieurs cultures qui se succèdent au même endroit tout au long de l’année, comme par exemple des radis au printemps, remplacés par des haricots nains en été et suivis par des épinards en automne, vous pratiquez déjà une sorte de rotation sans le savoir !
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