Pour moi, le potager n’est pas quelque chose de figé, mais un endroit qui évolue chaque année. Le lieu en lui-même évolue parce qu’il est constitué d’éléments vivants. Mes pratiques évoluent aussi parce que j’aurai appris quelque chose de nouveau où parce que j’aurai un problème suffisamment douloureux à régler pour me faire enfin passer à l’action.
Il est très utile de regarder aussi comment s’est passée l’année précédente, et les notes que je prends au fur et à mesure dans mon Cahier de jardin me sont très précieuses.
Dans cet article, je vais donc développer quelques thèmes pour lesquels j’ai l’intention de changer des choses en 2023.
L’arrosage
On a toujours tendance à avoir la mémoire courte et ne penser qu’à l’année précédente, 2022, qui était une année extrêmement sèche. Mais on oublie l’année d’avant, 2021, qui nous avait gratifiés de tout le contraire : un été particulièrement frais et pluvieux.
Alors oui j’ai réfléchi à certaines choses pour améliorer l’irrigation de mon potager, des choses plus ou moins simples à mettre en œuvre, mais il n’est pas sûr qu’il y aura besoin de toutes les appliquer.
Première chose : mieux placer les légumes à côté des goutteurs de mon réseau de tuyaux goutte-à-goutte. J’ai remarqué les années passées que malgré une terre argilo-limoneuse qui est censée assez bien retenir l’humidité, l’eau des goutteurs filait droit vers le bas et la terre restait sèche (même en profondeur) dès que l’on s’écartait de 10 cm. Je pense que ce phénomène de drainage est dû à la présence de nombreux galets dans le sous-sol (en-dessous de la couche de bonne terre cultivable).
La solution est simple : je vais planter mes légumes plus proches des lignes de goutte-à-goutte et je veillerai à ce que chaque plant se retrouve en face d’un goutteur. Ces derniers sont distants de 33 cm et les lignes de 40 cm entre elles, ce qui devrait être compatible avec majorité des légumes.
Deuxième chose, il m’arrivait de faire des arrosages complémentaires à la main (avec un arrosoir) quand la canicule était à son maximum ou pour aider de jeunes plants à s’établir. Dans l’idéal, il faudrait que toute la surface d’une plate-bande soit maintenue humide en profondeur, afin que les racines des légumes soient incitées à se développer vers le bas, mais en cas de pluviométrie nulle comme c’est le cas chez moi pendant les 3 mois d’été, cet idéal n’est pas atteignable.
Alors autant faire en sorte que le peu d’eau (en comparaison avec des pluies régulières) qui est apporté par le jardinier profite au maximum aux légumes. Pour cela, je vais les planter dans des cuvettes pour les légumes isolés (tomates, choux, etc…) et dans des rigoles pour les légumes en rangs (carottes, haricots nains…).
C’est le principe du potager “enterré”, par opposition au potager “surélevé” (en buttes ou en bacs) qui devient complètement inadapté quand l’eau se fait rare. Certains pays arides ont l’habitude des fortes chaleurs et je vais m’inspirer des techniques utilisées traditionnellement en Australie ou en Afrique de l’ouest avec ses “zaï”.
Troisième chose : les oyas. Beaucoup d’entre vous m’ont déjà questionné à ce sujet et j’ai prévu d’en installer quelques-uns dans l’une de mes plates-bandes (la fameuse qui contient du bois enterré qui n’a jamais voulu pourrir !). Je vous tiendrai au courant des résultats.
Dernière chose sur l’arrosage et c’est celle qui contient le plus d’inconnues : installer un système de brumisation au-dessus de mes rangs de tomates. Vous le savez sûrement, les fleurs des pieds de tomates avortent malheureusement quand la température dépasse environ 32°C. La fécondation n’arrive plus à se faire car le pollen devient trop sec.
Si la canicule arrive tôt dans la saison, on se retrouve avec des pieds de tomates qui ne portent aucun fruit en plein mois de juillet (des fruits ne se formeront que plus tard aux étages supérieurs). Et si la canicule se produit en août, les tomates déjà formées vont rester vertes indéfiniment car la sève circule moins bien.
Pour éviter tout cela, je sais que certains maraîchers professionnels utilisent des systèmes de brumisation pour leurs cultures de tomates sous serre, afin d’abaisser la température. Est-ce que c’est possible de faire la même chose dans un potager en plein air, soumis à la brise ? Est-ce que l’humidité ne va pas provoquer des maladies comme le mildiou ? Quelle est la bonne heure de la journée pour le faire, la bonne durée et la bonne fréquence ? Quel matériel ? Et la consommation supplémentaire d’eau ?
Il faut que je réfléchisse encore si ça en vaut le coup et je ne suis pas sûr de le mettre en place cette année.
La fertilité de ma terre
À l’automne dernier, je me suis rendu compte que la texture de ma terre avait régressé à certains endroits. En particulier sur une plate-bande située en bordure du potager où elle était redevenue dure et compacte.
La cause en est simple : par manque d’humidité, l’activité biologique du sol s’est arrêtée pendant trop longtemps, et j’avais beau apporter de la matière organique non décomposée (foin, BRF) à manger pour les vers de terre et autres organismes du sol, ils n’étaient pas en capacité de la digérer et de produire l’humus qui aurait bonifié ma terre.
Comment faire pour maintenir l’activité microbienne du sol pendant l’été ? On l’a vu plus haut, le goutte-à-goutte ne suffit pas à imbiber toute la surface entre les goutteurs. Dois-je recourir à des arrosages généralisés de toute la surface à l’aide d’un asperseur oscillant pour pelouse ? Mais comme je paille épais avec du foin (10 cm bien tassés), il faudrait vraiment le laisser tourner pendant des heures pour que l’eau traverse le paillis. Sans compter le coût puisque je n’ai pas d’autre accès à l’eau que le réseau de ville.
Une piste à tester : pailler moins épais, éventuellement après avoir haché le foin en le passant sous la tondeuse à gazon pour qu’il soit moins dense et plus aéré. Ce qui permettrait à l’eau de l’asperseur d’atteindre plus facilement la terre.
Il se posera toujours le risque de maladies comme le mildiou dont les spores commencent à éclore quand le feuillage reste humide pendant plusieurs heures de suite.
Autre piste : ne pas compter uniquement sur la décomposition du paillis par la vie du sol pour fabriquer de la fertilité mais faire des apports extérieurs, sous forme de fumier par exemple (celui en granulés étant le plus pratique à utiliser), ou bien sous forme de compost de déchetterie (je réserve le compost maison pour les trous de plantation des légumes gourmands, car on n’en a jamais assez). Mais il ne faut pas oublier que ces amendements organiques auront quand même besoin de microbes et d’eau pour que les nutriments qu’ils contiennent deviennent accessibles aux plantes.
La solution de facilité ce serait les engrais chimiques (type ammonitrates) car ils sont directement assimilables par les plantes, on comprend pourquoi l’agriculture conventionnelle y a tellement recours, mais il est hors de question que j’en mette dans mon potager pour les raisons environnementales que tout le monde connait.
Un dernier point qui concerne à la fois la fertilité et l’irrigation : les galeries creusées par les mulots. Avec le paillis épais qui est présent presque toute l’année, un certain nombre de mulots (ou souris des champs) pullulent. Ils ne font pas d’énormes dégâts sur les cultures (tout au plus 10% de légumes “grignotés”) mais leurs galeries forment un vrai gruyère sous la terre et certains plants n’arrivent pas à s’enraciner correctement quand les racines tombent sur une poche d’air.
Mais surtout j’ai l’impression que l’eau d’arrosage s’échappe vers on ne sait où par ces galeries. J’ai déjà essayé de les piéger, sans succès. La solution que j’ai retenue, c’est de faire un passage deux fois par an à la grelinette pour défaire toutes ces galeries. Pour un adepte du non-travail du sol comme moi, cela me fait un peu mal au cœur, mais je me dis que c’est l’occasion de décompacter et d’aérer ma terre, qui ne possède de toutes façons pas la texture parfaite pour pouvoir s’en passer définitivement.
La planification des cultures
Si vous me suivez depuis un moment, vous savez que j’adore planifier et organiser mon potager à l’avance, toujours dans le but de progresser et de tendre vers un potager qui fournit des récoltes tout au long des quatre saisons de l’année.
Ce n’est pas tant le productivisme qui m’intéresse mais plutôt la régularité des récoltes, tout en respectant les valeurs du potager naturel et de la permaculture. Le but est de manger tous les jours au moins un aliment (et souvent plusieurs) qui a poussé dans mon jardin.
J’ai encore des progrès à faire dans la répartition des cultures sur mes différentes plates-bandes du fait des différences d’ensoleillement. Comme beaucoup d’entre vous qui ont leur jardin dans un lotissement, donc entouré de diverses maisons, arbres ou clôtures, il n’est pas facile d’avoir une surface dégagée et qui reçoit le soleil toute la journée.
Je vais donc m’appliquer à mieux choisir quels légumes je ferai pousser à quel endroit.
Les plates-bandes qui sont à mi-ombre de la maison pendant la matinée (en fait la plus grande partie de mon potager) recevront les cultures de pleine saison, de mars à octobre.
Les quelques plates-bandes les mieux exposées accueilleront les cultures d’hiver (salades résistantes au gel, gros choux) ainsi que les cultures très précoces du début du printemps (petits choux et carottes primeurs entre autres) et également les cultures tardives de fin d’été (dernier semis de haricots fin août, fenouils, radis).
En été, ces plates-bandes subissent le soleil brûlant et les seuls légumes qui y poussent bien sont les courges et courgettes, ainsi que les légumes exotiques qui aiment la forte chaleur comme les patates douces ou les gombos (que je vais essayer pour la première fois cette année).
Les légumes
Le prix des légumes bio n’arrêtant pas d’augmenter, c’est une motivation supplémentaire pour devenir chaque année un peu plus autonome en légumes. Dans ce cas, le potager devient plus qu’un simple loisir. Il se transforme en potager nourricier, et on se met davantage la pression car chaque échec d’une culture se répercutera directement sur le porte-monnaie !
Avec 60 m2 pour nourrir 2 personnes, on est loin du compte pour une autonomie complète, mais il y a certains légumes que nous n’avons plus besoin d’acheter comme les salades (sauf un creux en janvier que je compte bien combler) et comme les tomates.
Contrairement à autrefois où les gens n’avaient pas le choix de manger autre chose que ce qui poussait dans leur région, les supermarchés nous ont habitués à avoir tous les légumes toute l’année. Il faut essayer de trouver un compromis acceptable, en arrêtant par exemple d’acheter des légumes hors-saison.
Tomates que je greffe moi-même : après des péripéties indépendantes de ma volonté l’année dernière, j’espère pouvoir me concentrer à fond sur cette étape délicate en mars-avril. Il faut que j’accumule de l’expérience car je pense que cela en vaut vraiment la peine quand c’est réussi. En effet, si j’arrive à produire plus de tomates sur un même pied, je pourrai en planter moins, et la place gagnée pourra être utilisée pour cultiver d’autres légumes, ce qui augmentera d’autant mon autonomie.
Parlons maintenant du légume le plus difficile à cultiver dans ma terre trop séchante et trop motteuse : j’ai nommé la carotte. Après des essais que vous avez pu suivre il y a 2 ans où j’avais fait des semis de carottes dans des rouleaux de papier WC (avec un succès d’estime), je n’ai pas eu la patience d’en refaire l’année dernière.
Alors cette année je vais vraiment m’appliquer à préparer un lit de semence bien fin car ma terre contient beaucoup de petits morceaux de matière organique, ce qui gêne les jeunes plantules de carottes à s’établir. Je vais bien ameublir la terre à la fourche-bêche. Je vais utiliser du terreau que je vais tamiser finement avant de l’épandre en couche de 3 cm dans le sillon prévu pour le semis. Je vais surveiller l’humidité et arroser deux fois par jour si la météo le nécessite. Je vais assurer une germination rapide en ayant recours à la pré-germination des graines à la maison. Si avec tout cela ça ne marche pas…
Je suis pas mal de publications anglo-saxonnes et les Anglais cuisinent beaucoup de légumes sautés à la poêle (le fameux stir-fry). J’ai découvert qu’ils y mettaient aussi des parties de légumes que nous ne sommes pas habitués à consommer, comme des pousses de pois et des feuilles de choux de Bruxelles.
On est d’accord cela ne va pas remplacer une gousse bien renflée de petits pois ou un petit chou de Bruxelles bien pommé ! Mais l’idée c’est de faire pousser ces légumes à un moment de l’année où ils ne sont pas normalement disponibles, et sans attendre plusieurs mois de développement.
Pour les feuilles de choux de Bruxelles, le semis se fait en mars et la récolte à peine 2 mois plus tard. Pour les pousses de pois, c’est encore plus rapide puisque semés en septembre, il y aura de quoi manger 4 semaines après !
Au niveau des associations de légumes et de leur placement les uns par rapport aux autres, je suis entièrement satisfait de la méthode que j’ai formalisée l’année dernière sous la forme d’un guide pratique. Les plates-bandes ont été cultivées à leur plein potentiel, tout en gardant une bonne lisibilité des différents rangs de légumes, ce qui a permis de simplifier les enchainements de cultures au même endroit. Je vais donc continuer les cultures multi-étagées en ce sens.
Pour conclure
Ce que j’aime dans le potager, c’est que l’on peut repartir d’une feuille blanche chaque année (à part la terre dont on doit prendre soin dès l’automne qui précède).
Même si c’est la nature qui a toujours le dernier mot, c’est quand même le jardinier qui décide ce qu’il va cultiver et comment il va s’en occuper.
Et de votre côté, qu’avez-vous prévu pour votre potager en 2023 ? Je suis impatient de lire vos commentaires !
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