
2019 a été la pire année depuis que je fais pousser des tomates. Cela fait plus de 20 ans que je pratique le potager et je n'ai jamais eu de récolte aussi décevante.
Pourtant ce n'est pas dû à la négligence ou à un accident. Je me suis donné la même peine que chaque année pour prendre soin de mes tomates et faire pousser la vingtaine de plants que permet la surface de mon potager.
En fait, comme pour la plupart des catastrophes, il y a eu un enchaînement de plusieurs causes. À peine les plants de tomates se remettaient d'un problème que surgissait le problème suivant.
Mais quels problèmes ? Nous allons les voir un par un.
Non pas une mais deux vagues de canicule
Chaque année ici près de Toulouse, nous avons droit une ou deux périodes de canicule durant l'été. Mais en 2019, elles sont tombées au pire moment possible pour les tomates : juste au moment de la nouaison.

Qu'est-ce que la nouaison ? C'est le moment où la fleur se transforme en fruit après la fécondation. Je rappelle que les fleurs de tomates sont à la fois mâle et femelle (on appelle cela une plante autogame). Les fleurs sont donc capables de se féconder elles-mêmes, sans avoir besoin d'insectes qui transportent le pollen d'une fleur à l'autre. Ce sont les vibrations produites par le vent qui permettent au pollen de se déplacer des étamines vers le pistil.
Mais pendant une période de canicule (par exemple à des températures supérieures à 30 degrés le jour et à 20 degrés la nuit), le pollen devient non viable. Comme l'air est très sec, le pollen va s'assécher et ne collera pas sur le pistil. La fleur va "couler" comme on dit.
C'est exactement ce qui s'est produit pendant la dernière semaine du mois de juin, un mois et-demi après la plantation des tomates, juste au moment où les ramifications étaient pleines de fleurs.
Heureusement, le retour de températures plus fraîches début juillet ont permis le développement d'autres pousses avec de nouvelles fleurs.
Et patatras ! Deuxième vague de canicule fin juillet. Le scénario se reproduit à l'identique. La plupart des fleurs sèchent puis tombent. Il y a bien quelques fruits qui commencent à se former mais ils sont vraiment peu nombreux.
L'été est déjà bien avancé. Ces tomates sont très décalées dans le temps et ne seront pas mûres avant la fin du mois d'août. Et c'est là que survient un troisième problème.
Les punaises

Cela fait déjà quelques années qu'elles ont fait leur apparition. Cette année, elles ont causé des ravages jamais encore vus sur les tomates.
Elles ont commencé à proliférer sur mes plants de tomates au mois d'août. J'arrivais encore à les contenir en faisant un ramassage manuel tous les jours. Mais en septembre c'est devenu bien pire, la population de punaises a explosé et j'en trouvais même sur les plantes qui poussaient à côté des tomates comme les haricots.

Sur la photo, vous pouvez vous rendre compte de ce qui peut se passer dans le pire des cas : normalement cette tomate devrait être totalement rouge parce qu'elle est arrivée à maturité, mais là on voit que c'est décoloré, la peau est blanche par endroit, et si on regarde à l'intérieur c'est pareil la chair est toute blanchie.
C'est provoqué par les punaises qui sont des insectes "piqueurs-suceurs", c’est-à-dire qu'elles percent des trous minuscules à travers la peau des tomates et elles se nourrissent en suçant la pulpe des tomates. Le bon côté des choses (si on peut dire), c'est que la tomate reste consommable : elle ne pourrit pas, elle continue de grossir mais elle se cicatrise comme elle peut en formant des parties blanches et dures.
Du coup ça ne valait plus la peine de ramasser les punaises à la main parce qu'il y en avait trop. Que faire alors ?
Ne parlons même pas des traitements chimiques car je n'utilise aucun produit dans mon potager naturel. Alors cherchons du côté de la lutte biologique. Le problème, c'est que les punaises n'ont pas de prédateurs parce que d'une part elles ont une carapace qui les protège, et d'autre part elles émettent des sécrétions (l'odeur caractéristique que nous connaissons tous).
Pas de prédateurs ? Eh bien si, il y en a un, ou plutôt une !

Quand on parle d'insectes, il faut être précis. Les punaises qui s'attaquent aux cultures légumières, ce sont les punaises vertes ponctuées 'Nezara Viridula' (à ne pas confondre avec la punaise verte commune). On les distingue parce qu'elles ont deux minuscules points noirs et trois points blancs alignées au niveau des "épaules".
Vous pourrez voir de nombreuses photos sur le blog Nature en ville à Cergy-Pontoise https://natureenvilleacergypontoise.wordpress.com/tag/nezara-viridula/
Et donc cette variété précise de punaises a finalement bien un prédateur : c'est la mouche à plumes ' Trichopoda Pennipes'. Cette mouche va pondre un ou deux œufs sur le dos de la punaise. Quand la larve se développe, cela entraîne la mort de la punaise.
La mouche à plumes se nourrit de nectar récupéré sur les fleurs et notamment sur les fleurs de plantes appartenant à la famille des apiacées (aussi appelées ombellifères).
Les variétés de tomates qui s'en sont le mieux sorti

Heureusement tous les plants n'ont pas été touchés de la même manière et j'ai pu quand même avoir une petite récolte.
La variété de tomate Cœur de bœuf blanche a été ma préférée cette année, tout simplement parce qu'elle a été vraiment productive malgré les canicules, et c'est aussi celle qui a été le moins envahie par les punaises. Je me demande si ce ne serait pas grâce à sa couleur plus pâle qui attirerait moins les insectes ?
La variété Green Zebra s'en est bien sortie aussi, parce que bien qu'elle ne soit pas classée dans les tomates tardives, elle produit chez moi de nouveaux rameaux chargés de fruits bien plus longtemps que les autres variétés dites anciennes.
Mesures à prendre l'année prochaine
J'ai décidé de mettre en œuvre trois mesures dans mon potager au printemps prochain. L'idée ce n'est pas d'aller contre la nature mais de composer avec elle.
Étaler les plantations
Pour passer entre les vagues de canicules avec moins de dégâts, je vais semer (et donc planter) mes tomates en trois vagues, chacune à 15 jours d'intervalle. Pour ma région toulousaine, les dates que j'ai choisies sont : un premier semis juste après la mi-février, un second début mars et un dernier après la mi-mars. Les plantations interviendront deux mois plus tard.
En échelonnant ainsi mes pieds de tomates, ils seront à des stades de développement différent au moment où surviendront les éventuels épisodes de canicule.
Ombrer les cultures
Il s'agit de mettre en place des voiles d'ombrage qui vont laisser passer seulement une partie des rayons solaires, généralement 50%.
Cela se fait couramment en maraîchage professionnel, et je ne vois pas pourquoi on s'interdirait de les utiliser dans un potager. Certes cela demande un peu d'organisation pour installer des supports et enlever ou remettre les voiles en fonction de la météo mais les légumes vous remercieront.
Cette solution évitera aussi aux tomates d'être exposées aux rayons brûlants du soleil et d'attraper des coups de soleil, on appelle cela des insolations.
Une autre manière de garder les fleurs et les fruits à l'ombre, c'est d'avoir assez de feuillage. C'est un argument supplémentaire en faveur de la non-taille des plants de tomates.
Protéger les tomates des punaises
J'ai aussi prévu de faire un test avec des protections physiques pour empêcher les punaises d'accéder aux tomates. Il y a d'une part les filets anti-insectes à mailles très fines, à installer autour d'un plant ou d'un groupe de plants. Là-aussi, il va falloir imaginer les supports adéquats pour fixer les filets et ne pas qu'ils se déchirent avec les rafales de vent.
D'autre part j'envisage d'essayer de mettre sous sachets des tomates pendant leur croissance sur la plante, soit individuellement soit la grappe entière. Je vais utiliser pour cela les sachets en tulle utilisés par les semenciers pour éviter les hybridations entre variétés, ou plus communément des sachets en organza dits "sachets à dragées".
Favoriser la mouche prédatrice

La mouche à plumes aime butiner les fleurs des ombellifères, alors je compte bien en planter un maximum autour des tomates. Il existe beaucoup d'ombellifères sauvages, dont certaines sont assez courantes dans nos campagnes, comme la carotte sauvage (Daucus Carota).
Mais pas mal de légumes font également partie de cette famille : la carotte bien sûr, le panais, le céleri, le fenouil. Et parmi les herbes aromatiques, nous avons le persil, le cerfeuil, la coriandre, la livèche, l'aneth.
Le problème, c'est que certaines de ces plantes sont des bisannuelles (par exemple la carotte). Ce qui signifie qu'elle va monter en fleur seulement la deuxième année après avoir été semée. Ce qui est un peu long pour attirer la mouche emplumée, vous en conviendrez !
Heureusement quelques-unes fleurissent dans l'année, et même assez tôt en saison pour certaines, je pense à la coriandre ou à l'aneth. À semer en masse autour des tomates par conséquent !
Cela fait beaucoup d'idées d'un coup ! Je serais heureux de savoir ce que vous en pensez. Avez-vous déjà testé l'une ou l'autre ? Pensez-vous que ça va marcher ?
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